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La compétitivité : Mythe ou réalité ? on vous explique !

Avant de pouvoir y répondre, il importe de préciser le sens de la question. La notion de compétitivité a un sens relativement clair dès lors qu’on se place au niveau d’une entreprise individuelle en situation de concurrence. Si, par exemple, ses coûts unitaires sont supérieurs aux prix qui prévalent sur ses marchés, elle ne pourra vendre ses produits qu’en faisant des pertes, et finira par disparaître. On peut donc clairement parler, dans ce cas, de compétitivité.

Par ailleurs, si cette entreprise est en situation de concurrence aussi bien sur le marché de ses produits que sur ceux de ses facteurs de production, elle ne peut influence aucun de ces prix et la seule façon pour elle d’accroître sa compétitivité est d’augmenter sa productivité. Si cela s’avère impossible, l’entreprise disparaîtra. Peut-on extrapoler ce type de raisonnement au niveau d’un pays ? La réponse est non.

La compétitivité est un enjeu majeur pour entreprise, est-ce le cas pour un pays ?

Une entreprise est une forme d’organisation, un arrangement particulier des talents et du capital. Elle peut fort bien disparaître, ce qui n’implique pas la disparition des ressources qu’elle utilisait mais sa recombinaison à travers d’autres organisations. Une économie entière, au contraire, n’est pas une forme d’organisation mais une collection de ressources humaines et matérielles ; celles-ci ne peuvent donc disparaître.

Pourtant, il est clair que de nombreux pays ont connu des épisodes de « problèmes de compétitivité », ce qui signifie simplement que leurs exportations étaient relativement chères, ce qui créait un déficit de la balance commerciale.
À ce stade, il importe de préciser un certain nombre de choses.

Premièrement, une telle situation peut parfaitement être un phénomène d’équilibre ; elle peut même être optimale. Les pays bénéficiant d’un influx de capitaux (ou, ce qui est équivalent, dont l’épargne est inférieure à l’investissement), par exemple parce qu’ils connaissent une période de croissance élevée, ont automatiquement un déficit de la balance courante qui n’en est que la contrepartie. Le mécanisme est le suivant : l’influx de capitaux se traduit par une hausse de l’investissement et de la consommation, qui traduit la manière dont ces capitaux sont dépensés. Il en résulte une hausse de la demande agrégée, qui tend à la fois à détériorer le solde commercial (puisqu’une partie de cette demande prend la forme de biens importés), et à créer une appréciation du taux de change réel (pour que les ressources se
réallouent du secteur des biens échangeables vers le secteur des biens non échangeables, qui ne peut faire face autrement à la hausse de la demande).

Les exportations sont-ils l’atouts majeurs qu’ont les pays pour accroitre leur compétitivité ?

Bien entendu, ce phénomène ne saurait être que temporaire. L’investissement étranger courant implique en effet des exportations de capitaux futures, sous la forme de rapatriement de profits, dividendes, et intérêt. Dans ce cas on observera une inversion du phénomène ; le pays connaîtra un surplus commercial et une dépréciation du taux de change.

Le surplus commercial permettra précisément de financer les exportations de capitaux. Cependant, le renversement peut attendre plusieurs années et l’on a observé des pays ayant des déficits commerciaux pendant plusieurs dizaines d’années. Un influx de capitaux pourrait donc être interprété comme une « perte de compétitivité » alarmante, alors qu’il s’agit d’un phénomène d’équilibre ne requérant pas a priori d’intervention publique.

Cependant, ce n’est pas le seul exemple d’évolution pouvant conduire à un enchérissement des importations. On sait aussi que le taux de change réel peut s’apprécier brutalement, par exemple à la suite d’un influx de capitaux purement spéculatif en changes flottants, ou encore à la suite d’une poussée inflationniste en change fixe. C’est là qu’intervient la différence fondamentale entre une économie et une entreprise en situation de concurrence.

Si cette dernière ne peut pas modifier ses prix et est condamnée à s’adapter ou disparaître, l’économie individuelle peut fort bien décider d’annuler sa perte de compétitivité au moyen d’une dévaluation. Même s’il ne le fait pas, les équilibres macroéconomiques devraient finir par se rétablir à travers divers mécanismes : effets de richesse, effet Pigou, courbe de Philips…

En d’autres termes, le taux de change réel, i .e. le rapport entre le niveau des prix à l’intérieur du pays et dans le reste du monde, finit par s’ajuster de façon à ce que les problèmes de compétitivité disparaissent. La politique macroéconomique peut accélérer cet ajustement et le rendre moins douloureux.

Exemple 1 : considérons un pays qui vient d’augmenter les charges sociales patronales sur les salaires. À salaire net donné, les coûts unitaires augmentent. Les entreprises exportatrices sont contraintes d’augmenter leurs prix ou de voir leurs profits réduits. Cela conduit à des pertes d’emploi dans le secteur des exportations. Il en résulte une augmentation du chômage qui crée une pression à la baisse sur les salaires réels. Lorsque les salaires réels ont suffisamment baissé, le secteur des exportations a retrouvé sa compétitivité. Les prix intérieurs, qui dépendent fortement du salaire réel, ont baissé relativement aux prix extérieurs : le taux de change réel s’est déprécié. La compétitivité a été rétablie.

Exemple 2 : supposons maintenant qu’il y ait un boom sur la consommation. De nouveau, les importations augmentent et le taux de change s’apprécie, aussi bien par le biais des pressions inflationnistes que par le jeu des marchés financiers internationaux. Le déficit commercial se traduit par une diminution des créances sur l’étranger. À plus long terme, cette diminution réduit la richesse nationale et donc la consommation. Ce mécanisme tend à rétablir l’équilibre en réduisant la demande d’importations. Ce qui précède suggère qu’aucune politique économique n’est incompatible avec la compétitivité sur le long terme ; à long terme, le taux de change réel et, avec lui, le pouvoir d’achat, s’ajustent pour que cette politique soit compatible avec le plein emploi des ressources (ou, s’il existe des frictions, leur niveau « naturel » d’utilisation). Cela ne signifie pas pour autant qu’une politique économique soit désirable : si elle réduit beaucoup la productivité ou augmente substantiellement les coûts pour les entreprises, la compétitivité ne pourra être rétablie que par une baisse suffisante du pouvoir d’achat. Dans bien des cas, cela signifie également une hausse importante du chômage au cours de la transition vers le nouvel équilibre – cette hausse est nécessaire pour créer suffisamment de pression à la baisse sur les salaires réels.

On en conclut que la manière correcte de formuler la question de l’effet des politiques économiques sur la compétitivité est la suivante : de combien doivent s’ajuster le pouvoir d’achat et le taux de change réel pour que cette politique soit compatible avec l’équilibre de long terme de l’économie ? Cette question est pertinente, non seulement du point de vue d’une économie ouverte soucieuse de faire accepter ses produits sur les marchés internationaux, mais aussi du point de vue d’une économie fermée. Dans les deux cas, elle se ramène à la question des distorsions induites par la politique économique sur l’utilisation des ressources. Cependant, ces distorsions ne sont pas les mêmes suivant que l’économie sera ouverte ou fermée. Si ces distorsions sont plus fortes en économie ouverte, cela peut se traduire par un souci plus grand de préserver la « compétitivité de l’économie ».

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